5 domaines d’action pour lutter et s’adapter aux changements climatiques
12 mai 2025
7 minutes de lectureCet article a été rédigé par
- Margot Boudreau
Cet article se penche sur les stratégies que peuvent mettre en œuvre les municipalités, en s’appuyant sur les réflexions de trois spécialistes du milieu. De l’aménagement du territoire à l’agriculture, en passant par le verdissement et la mixité fonctionnelle, nous explorerons comment les municipalités peuvent non seulement s’adapter, mais aussi prospérer dans ce monde en pleine mutation.
Entrevues avec Jeanne Robin, directrice principale de Vivre en Ville, Sonia Hachem, spécialiste en recherche et transfert des connaissances chez Ouranos et Mikael St-Pierre, coordonnateur au Caucus écologiste municipal.
1. Urbanisme et aménagement du territoire
Toutes les mesures prises en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme peuvent être mises à profit dans l’action climatique. Les bonnes pratiques dans ce domaine se divisent en deux volets : l’adaptation aux changements climatiques et la réduction de l’empreinte carbone.
Prioriser la sobriété territoriale pour limiter l’exposition aux changements climatiques
Selon Jeanne Robin, une des principales clés en aménagement du territoire pour réduire la vulnérabilité et améliorer la résilience de nos milieux de vie consiste à limiter l’exposition aux conséquences des changements climatiques en préservant les actifs naturels, comme les terres agricoles et les milieux humides. Pour y arriver, on doit prioriser la sobriété territoriale. « Il faut s’assurer de s’étaler le moins possible sur le territoire, explique Jeanne Robin. Quand on utilise moins de territoire, on limite notre exposition aux aléas du climat et on préserve nos actifs naturels. »
« Dans les milieux bâtis, ajoute-t-elle, on peut augmenter la résilience en construisant de nouvelles infrastructures naturelles et en adaptant les bâtiments grâce à des designs qui protègent mieux de la chaleur ou à des matériaux qui résistent plus facilement à certains aléas climatiques. »
Selon la directrice principale de Vivre en Ville, on ne peut plus compter uniquement sur les infrastructures grises, comme les routes, les égouts, les réseaux d’approvisionnement en eau, les ponts, les trottoirs, etc. On y arrivera plutôt en misant sur les infrastructures vertes et l’adaptation du cadre bâti, ce qui se fait souvent à moindre coût et avec davantage de bénéfices.
2. Verdissement et lutte aux îlots de chaleur
Bien que le verdissement des espaces de vie contribue à lutter contre les chaleurs extrêmes, ce n’est pas là son unique bienfait. « Le verdissement est une solution d’adaptation aux multiples bénéfices, soutient Sonia Hachem. Les arbres offrent de l’ombrage et font baisser la température ambiante. Les systèmes racinaires aident à gérer les eaux de pluie. Toute plante qui croît contribue à diminuer les gaz à effet de serre (GES). De manière générale, les espaces verts ont un effet antistress. Ce sont des bénéfices qui se calculent à court, moyen et long terme. »
Néanmoins, il ne s’agit pas là que d’un projet de paysagement; c’est une initiative d’envergure. « Le verdissement, c’est plus que de simplement planter un arbre, précise la géographe. Ça consiste à reproduire une biodiversité et créer un écosystème. »
Lutte aux îlots de chaleur : une question d’équité
Un des impacts des changements climatiques qu’on peut tous ressentir au Québec est celui des températures extrêmes. Les étés battent des records de chaleur et, malheureusement, cela ne semble pas vouloir s’améliorer dans les prochaines années. Pour cette raison, la lutte aux îlots de chaleur - et à la chaleur extrême en général - demeure un enjeu prioritaire en matière d’adaptation des milieux de vie.
Toutefois, cela soulève aussi une question d’équité au sein de la population. « Quand on parle de se rafraîchir grâce à la technologie, comme les thermopompes ou les climatiseurs, explique Jeanne Robin, on se rend compte que, souvent, ce sont les personnes les plus vulnérables qui sont pénalisées. Alors que, par exemple, si on plante des arbres dans une rue, c’est favorable à tout le monde. »
Ainsi, lorsqu’on cherche à rafraîchir nos espaces de vie, le verdissement demeure l’option la plus durable et, surtout, la plus équitable pour toutes les sphères de la population.
3. Mobilité durable et mixité fonctionnelle
Pour réduire le bilan carbone d’une municipalité, il est essentiel d’impliquer la population, mais surtout, de lui donner la capacité de contribuer à ces efforts. Dans cette optique, la mixité fonctionnelle et la mobilité durable vont de pair.
D’un côté, la mixité fonctionnelle vise à réduire les distances à parcourir pour accéder aux différents services offerts au sein de la communauté. De l’autre, la mobilité durable permet de limiter l’usage de la voiture au quotidien.
Favoriser le transport actif et en commun
Le transport en commun peut sembler une option évidente pour adopter un mode de vie plus durable. Néanmoins, cette solution n’est pas adaptée à tous les types de municipalités. « C’est plus facile et plus efficace d’implanter un service de transport en commun dans des milieux suffisamment denses pour assurer une fréquence intéressante et offrir des parcours diversifiés, remarque Jeanne Robin. En milieu rural ou dans les municipalités plus étendues, la mobilité durable pose un défi différent. »
Un défi différent, mais certainement pas impossible à relever. Pour les petites villes et les villages, la mobilité durable se définit plutôt par un aménagement urbain favorisant le déplacement à pied ou à vélo. Ces municipalités pourraient même envisager la mise en place d’un service d’autopartage, selon Jeanne Robin.
5. Économie circulaire et de proximité
L’économie circulaire est un principe aux bienfaits multiples. En plus de tisser des liens au sein d’une collectivité et de permettre un meilleur partage des ressources, elle favorise la récupération et la revalorisation des biens. Ainsi, l’économie circulaire est un incontournable en matière d’initiatives durables.
Quant à l’économie de proximité, elle fait écho aux notions d’urbanisme, d’aménagement de territoire et de mixité fonctionnelle mentionnées plus tôt.
Achat local = achat écoresponsable
« De plus en plus de municipalités développent des programmes d’achat responsable en encourageant l’achat local et d’achat chez les commerçants et les fournisseurs de services de leur noyau villageois, détaille Jeanne Robin. Ces programmes sont vraiment intéressants, car ils favorisent l’économie locale, ils créent un sentiment d’appartenance et limitent les déplacements. »
6. Agriculture urbaine et rurale
Impossible de parler de commerce local sans parler d’agriculture. Qu’elle soit urbaine ou rurale, l’agriculture joue un rôle important dans la lutte et l’adaptation aux changements climatiques sur le plan municipal.
Selon Mikael St-Pierre, les personnes du monde agricole sont des partenaires précieux qu’il ne faut surtout pas négliger quand vient le temps d’implanter de nouvelles initiatives écoresponsables au sein d’une municipalité.
« Quand on parle de préservation de l’environnement, de patrimoine naturel, de terres agricoles, soutient-il, on a des alliés naturels qui peut-être ne sont pas attirés de prime abord par les causes environnementalistes, mais qui peuvent être d’un grand soutien. En faisant preuve de leadership, les élus pourraient se les rallier. »
Plus de serres urbaines, moins de GES
L’agriculture urbaine permet de produire de la nourriture à l’échelle locale, même dans les grands centres urbains. C’est une façon créative de limiter les déplacements des résidents ainsi que le transport des aliments, ce qui permet de réduire les émissions de GES associées à l’alimentation.
Sonia Hachem y voit une solution d’adaptation semblable au verdissement. « Le fait d’avoir de l’agriculture sur les toits, comme c’est le cas à Montréal, explique-t-elle, ça diminue la chaleur du bâtiment. Ç’a donc un effet positif pour contrer les îlots de chaleur. »
Jeanne Robin, quant à elle, considère l’agriculture urbaine comme un élément d’une vision plus large en matière d’agriculture. « Prévoir des sites d’agriculture urbaine fait partie de la stratégie, estime-t-elle, et protéger le territoire qui se retrouve en périphérie d’une municipalité, ça encourage la production locale et ça favorise la création de circuits courts. »
Adapter sa municipalité, un jour à la fois
La lutte et l’adaptation aux changements climatiques demandent beaucoup de flexibilité, une bonne dose d’innovation et une grande capacité de résilience. Toutefois, lorsqu’on garde le cap sur nos objectifs et qu’on s’entoure des bonnes personnes, on peut non seulement préserver l’intégrité de nos municipalités, mais aussi, les améliorer.
Et, comme le dit si bien Jeanne Robin : « Lutter contre les changements climatiques, c’est une obligation, mais ce n’est pas une punition. C’est une façon de transformer nos milieux de vie pour le mieux ».