Électrification des transports en milieu urbain 2.0
12 septembre 2025
5 minutes de lectureCet article a été rédigé par
- François Grenier
Dans la foulée de la parution de la 2e édition du document de Vivre en Ville : Électrification des transports en milieu urbain | Outils pour planifier la transition vers les modes électriques dans une perspective de mobilité durable, AGORA s’est entretenue avec Benjamin Docquiere, conseiller mobilité et aménagement, et coauteur de ce guide.
AGORA : On parle beaucoup d’électrification des transports, comme si c’était la solution à tous nos maux. Est-ce vraiment le cas ?
Benjamin Docquiere : À l’heure actuelle, les efforts d’électrification des transports se traduisent essentiellement par l’installation de bornes et des subventions accordées à l’achat d’une voiture électrique personnelle. Or, un véhicule électrique qui roule à peu près 15 000 km par année (la moyenne des gens) ne permet pas de réaliser des économies de GES suffisantes pour compenser significativement les coûts environnementaux de sa fabrication, qui sont nettement plus élevés que pour un véhicule thermique.
Par ailleurs, on ne souhaite pas non plus que les personnes utilisent leur automobile électrique privée à outrance dans l’espoir d’avoir un meilleur impact environnemental qu’un véhicule à moteur thermique. Il faut donc électrifier les véhicules qui circulent le plus, par exemple ceux qui sont utilisés en autopartage. Et surtout mettre en place les conditions qui vont favoriser une transition vers les modes de mobilité électrique durable en remplacement de la voiture. En particulier les modes légers électriques. Et le milieu urbain se prête idéalement à un transfert modal massif de la voiture automobile privée vers la .
Si on électrifie tous les véhicules, sans discrimination, on ne parviendra pas à réaliser les gains annoncés en matière d’empreinte environnementale. Et en plus, on risque de pérenniser l’utilisation de la voiture en ville et assurément d’aggraver les problèmes de congestion routière.
Avant de revenir sur la micromobilité, posséder un véhicule électrique en ville pose quand même des défis particuliers.
Ça, c’est un autre des enjeux de l’électrification des transports en milieu urbain : la recharge des véhicules. Un problème qui ne se pose pas dans les banlieues où les propriétaires de véhicules électriques possèdent, le plus souvent, d’un espace de stationnement privé permettant la recharge. Mais en ville, la situation est tout autre. Et la pression est forte pour que les municipalités offrent des zones de recharges sur leur territoire. Or, on doit se poser la question : est-ce qu’une municipalité doit devenir la station-service des véhicules électriques ?
Sans entrer dans les détails, le problème actuel, c’est que le privé n’offre pas encore les services attendus. Il n’occupe pas la place qu’il devrait. Si bien que les villes, de leur côté, se trouvent tenues de réquisitionner des espaces publics pour donner le temps aux véhicules électriques de se recharger. Des espaces qui pourraient être redistribués pour aménager des pistes cyclables, des corridors pour autobus, ou, s’il s’agit de stationnements hors rue, pour y construire des logements sociaux, ou un parc, etc.
Bref, cette électrification des transports n’a pas réellement pris un bon départ…
En principe, pour réussi la transition vers la mobilité durable, on doit adopter une approche en trois volets : réduire, transférer, améliorer. Mais, pour le moment, les efforts au niveau provincial portent surtout sur le 3e volet : améliorer l’efficacité énergétique des véhicules. Mais on ne met pas assez d’effort pour en réduire le nombre, tout comme la taille, et surtout pour favoriser d’autres modes de déplacement qui remplacent la voiture.
En facilitant l’utilisation des véhicules électriques en milieu urbain, on risque même d’accroître la densité du trafic. L’expérience montre que les personnes qui passent à la voiture électrique ont tendance à se dire : « je ne pollue plus, donc je n’ai plus d’impact environnemental », ce qui se traduit par un rebond de l’utilisation de la voiture se chiffrant à 20 % de kilomètres supplémentaires parcourus par année.
D’où l’importance de la micromobilité.
Avec un vélo à assistance électrique, on peut facilement parcourir une dizaine de kilomètres en moins de 30 minutes, et sans trop faire d’effort. Sachant que 50 % des Québécois habitent à moins de 7,7 km de leur lieu de travail, il suffirait d’offrir des pistes cyclables sécuritaires et des aménagements confortables afin que 50 % des Québécois puissent se passer de leur voiture pour aller travailler, du moins une grande partie de l’année.
Mais, bien sûr, ce n’est pas aussi simple. Il serait illusoire de penser remplacer la voiture privée par un seul et unique autre mode de transport. Il faut plutôt envisager tout un éventail de modes de déplacement, comme les transports actifs (marche, vélo), la micromobilité à assistance électrique (trottinette, vélo, planche à roulettes, gyropode, vélo cargo, etc.), le transport collectif et l’autopartage. Ce que l’on appelle la multimodalité et l’
Donc, pas vraiment de micromobilité sans aussi d’intermodalité.
Dans un certain sens, c’est vrai, puisque la micromobilité est efficace sur de courtes distances. Pour que l’intermodalité devienne réalité, il faut réfléchir à l’articulation de ces différents modes de transport. Par exemple à la manière de les connecter entre eux pour que, après un parcours en train de banlieue, une personne puisse choisir de couvrir le dernier kilomètre, soit à vélo, en trottinette ou en autobus. Mais il faut, pour cela, mieux coordonner entre eux ces différents modes de déplacement.
Présentement, le constat est clair : les pôles d’intermodalité existants sont trop souvent sous-optimaux en matière d’aménagement, de qualité d’attente et d’expérience utilisateur. Par exemple, pour convaincre une personne de troquer sa voiture contre le train de banlieue, il serait judicieux de prévoir aussi l’équivalent de stationnements incitatifs, mais pour les vélos électriques. C’est-à-dire, d’offrir des casiers sécurisés pour les ranger et du même coup les recharger, comme ça se fait à Candiac. Ce n’est là qu’une stratégie parmi d’autres pour bien « huiler » une chaîne de déplacement intermodal. Pour que l’expérience utilisateur soit agréable, facile, évidente, sécuritaire, intuitive, etc. Pour que l’offre de multimodalité s’adapte aux saisons, au moment de la journée, à l’achalandage.
Les municipalités doivent jouer leur rôle en matière de mobilité durable, mais comment convaincre les personnes de troquer leur voiture contre le transport actif et collectif ?
Notre guide offre de nombreuses stratégies à la portée des municipalités pour qu’elles améliorent la fluidité et la convivialité des modes de transports durables pouvant remplacer l’auto solo. Plus ces options seront optimisées, mieux elles seront en mesure de dépasser le vieux paradigme de la voiture privée. Autrement dit, créer une demande induite en matière de mobilité durable.
Et n’oublions pas aussi l’argument du portefeuille. Peu de gens savent combien leur coûte l’utilisation de leur voiture chaque année. C’est pourquoi Vive en Ville a conçu Le calculateur des coûts de la mobilité. C’est un outil interactif qui permet non seulement de calculer nos dépenses en matière de déplacement, mais aussi les économies que l’on peut réaliser en optant pour d’autres modes de transport plus durable. C’est rentable aussi bien sur le plan de l’économie que de l’écologie…
Cette entrevue a été éditée à des fins de concision