Dans la foulée de la pandémie, Trois-Rivières, comme plusieurs villes québécoises, est vite devenue témoin d’une augmentation tangible de l’itinérance. Un phénomène qui, jusque-là, était surtout l’apanage de Montréal. Or, cette crise sanitaire a exacerbé les problèmes de santé mentale, de surdose et d’accès au logement, entraînant des tensions accrues liées à la cohabitation sociale. 

Il est vite devenu évident, pour les autorités municipales, mais aussi pour le réseau de la santé et les actrices et les acteurs des milieux communautaires, que, pour répondre à ces défis, il était nécessaire de coordonner les efforts de chacun. De mettre en place une concertation intersectorielle afin d’élaborer des stratégies globales et durables en réponse à la situation.

Dès 2022, la Ville met sur pied le Réseau d’acteurs pour le développement d’actions rassembleuses (RADAR). Son rôle est de rassembler les quatre principaux secteurs d’intervention (municipal, santé, communautaire et scolaire) afin que toutes et tous travaillent ensemble de manière concertée. L’un des buts poursuivis était d’optimiser les ressources disponibles, et d’éviter que les actions menées sur le terrain se chevauchent entre elles. De décloisonner les processus pour briser les silos. RADAR, c’est donc l’instance principale de coordination pour la mise en œuvre du Plan. C’est un lieu de concertation continue et de mobilisation autour des chantiers collaboratifs déjà en cours et appelés à se déployer.

L’autre étape cruciale, pour mener à l’élaboration de ce Plan d’action, c’était de poser un diagnostic territorial des dynamiques sociales et de consulter les parties prenantes (2023-2024). Donc, pour brosser un portrait des facteurs qui contribuent aux tensions de cohabitation sociale, des diagnostics locaux ont été réalisés, notamment à l’aide de consultations avec les citoyennes et citoyens, les organisations locales, et les partenaires institutionnels.

Les grandes lignes du Plan d’action en cohabitation sociale 

Pour fonder son Plan d’action, la Ville de Trois-Rivières a pu s’appuyer sur quatre piliers majeurs :

• le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec ;

• la Corporation Développement Communautaire de Trois-Rivières ;

• le Centre de services scolaire du Chemin-du-Roy ;

• les organismes communautaires.

À cela s’ajoutent des partenaires de la recherche. Le CÉGEP de Trois-Rivières apportera son expertise en innovation sociale par l’expérimentation d’un projet pilote issu d’une communauté d’apprentissage unissant plusieurs programmes, dont Techniques de travail social et Technologie de l’architecture. De son côté, l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) s’engage à documenter les apprentissages et à soutenir le transfert de connaissances.

Les rôles et responsabilités des différentes actrices et différents acteurs ont été définis en vertu d’un cadre de valeurs communes :

• Concertation et action collective

• Expertise et innovation

• Ouverture et inclusion

• Responsabilité et engagement communautaire

Il en résulte une feuille de route qui cible plus d’une cinquantaine d’actions déclinées en six champs d’action :

• Sécurité dans l’espace public - Accroître le sentiment de sécurité dans les rues de Trois-Rivières en réduisant les comportements perturbateurs grâce à une présence renforcée des travailleuses et travailleurs de rue et des équipes de proximité, à des interventions régulières auprès des personnes en crise, et à la mise en place de stratégies de prévention adaptées.

• Aménagement, propreté et entretien de l’espace public - Améliorer la salubrité et la propreté des espaces publics en renforçant les opérations de nettoyage et d’entretien, tout en impliquant les citoyennes et citoyens dans des initiatives collectives.

• Animation du milieu et occupation positive de l’espace public - Favoriser une cohabitation harmonieuse en dynamisant les espaces publics par des actions d’animation sociale, telles que des événements communautaires réguliers et des activités créatives impliquant des groupes vulnérables, pour ainsi renforcer les liens entre les citoyennes et citoyens et réduire les tensions sociales.

• Inclusion sociale et participation citoyenne - Accroître l’inclusion sociale et encourager la participation citoyenne des personnes marginalisées en leur offrant des opportunités de contribuer à la communauté et en informant les citoyennes et citoyens sur les enjeux d’exclusion sociale par des campagnes régulières de sensibilisation.

• Hébergement et logement pour les clientèles vulnérables - Améliorer l’accès au logement et aux solutions d’hébergement pour les clientèles vulnérables en augmentant l’offre de logements sociaux et d’abris d’urgence, tout en développant des programmes de logement supervisé pour les personnes en situation de précarité.

• Expertise, innovation et concertation - Renforcer la concertation intersectorielle en développant des mécanismes de collaboration efficaces entre les différentes actrices et différents acteurs et en favorisant l’innovation dans les approches d’intervention sociale, avec un suivi rigoureux des impacts dans une perspective de démarche apprenante.

À noter que certaines actions de ce plan sont soutenues par le Fonds pour bâtir des communautés plus sécuritaires du ministère de la Sécurité publique du Québec.

Vers une cohabitation sociale exemplaire

Si, à court et moyen terme, ce Plan d’action vise à résoudre des crises ayant émergé au cours de la pandémie et ainsi répondre aux préoccupations des résidentes et résidents, tout en protégeant les plus vulnérables et en préservant la qualité de vie dans la ville, son objectif, à long terme, est de mettre en place un véritable modèle de cohabitation sociale harmonieuse. Un vivre-ensemble qui favorise l’inclusion, ainsi que le sentiment de sécurité et d’appartenance, qui reconnaît et respecte toutes formes de diversité en luttant contre la discrimination, et qui facilite l’émergence de valeurs communes contribuant à la paix et à la cohésion sociale.

Rappelons enfin que cette approche, innovante et distinctive, s’est mérité le prix Coup de cœur dans la catégorie Fièrement membre d’Espace MUNI. Un prix décerné à l’occasion du 34e colloque de l’organisme et qui s’est tenu le 8 mai 2025 à Victoriaville. Et qui met l’accent sur une démarche aisément transférable dans d’autres municipalités aux prises avec des enjeux similaires.